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pierre ruault

Le halo de lumières artificielles

déforme mon champ visuel, une intrusion violente dans l'intimité de mes rétines, répétitive, comme une percussion ininterrompue. L’arrière de mes orbites me brûle douloureusement. Mes outils de travail, jadis complices, se muent en adversaires redoutables. Par automatisme, je façonne deux coques avec mes mains, tâchant de les rendre hermétiques, dans l'objectif d'isoler mon regard de l'environnement qui l'assaillit. Parallèlement, je m'adonne à une série d'exercices, une chorégraphie de clignements répétés et de rotations des yeux, afin de restaurer en vain quelque équilibre dans le mal qui me submerge.

La fatigue oculaire, insidieuse, s'étend de mes yeux à l'étendue de mon crâne sans défense. Simultanément, le son se densifie autour de moi, transformant chaque bruit en une cacophonie insupportable. Un rire lointain, le murmure feutré d'une conversation, le frôlement délicat d'un verre sur une table, tous deviennent des cris stridents à mon oreille. La migraine, telle une gangrène silencieuse, s'empare de ma tête. Je me retrouve impuissant, égaré dans un environnement inhospitalier.

Les heures à venir s'étalent devant moi, le mal de tête me privant de mes obligations professionnelles ou sociales. Pour tout dire, cela me laisse indifférent. À ce moment précis, mon seul désir est de m'échapper du monde, de me plonger dans une solitude silencieuse, englouti par l'obscurité dans une passivité totale. Je me livre à un rituel méthodique : chaque appareil électronique, du micro-ondes au chargeur de téléphone, des prises électriques au détecteur de fumée, émettant la moindre lueur, est invariablement débranché dans l’appartement.

Étendu dans mon lit, j'attends le sommeil libérateur. La migraine me prive de mes échappatoires habituelles : regarder un film, lire un livre. Je suis forcé à partager une intimité avec mes pensées et mon angoisse : « My head all full of stuffin. My heart all full of pain ». Les échos de l'airs If I Only Had a Brain chanté par l'Épouvantail résonnent par moment dans la chambre, une rare consolation tolérée lorsque la douleur me le permet. « If I only had a brain! ». La pièce devient un abri inviolable, où chaque objet, peu à peu, se perd dans l’obscurité sous des formes indistinctes et des contours flous. La souffrance me transporte dans une expérience inédite du réel, étirant son voile éthéré autour de moi. Ma chambre, métamorphosée en une nouvelle zone, réagit avec une étrangeté captivante à son propre environnement, créant une réalité altérée qui me fascine.

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My head all full of stuffin', my heart all full of pain

L'exposition Early Birds Leave Rotten Fruits marque, selon-moi, une rupture dans la pratique d’Andréa Spartà. Tel un aveu murmuré du bout des lèvre, elle révèle une tonalité plus introspective, bien que pudique, dans son œuvre. Au fil de nos échanges réguliers, nous avons partagé le fait d'être sujets à de fortes crises de migraine qui nous paralysent. Ce mal s'accompagne temporairement d’un désabusement envers l'existence qui affecte de manière brutale et directe l'environnement qui nous entoure. Pour Andréa, cette douleur physique et psychique prend forme dans la figure centrale de l’exposition, incarnée par l'Épouvantail du Magicien d'Oz (1939). Cette image m'émeut particulièrement, car dans sa quête d'une cervelle, ce personnage oscille entre un désespoir profond et une joie contagieuse. Tout comme lui, Andréa est réceptif à la nouvelle dimension poétique qui émane de son observation du monde pendant ces épisodes. Malgré l'inconfort, la souffrance semble détacher les choses de la réalité, offrant ainsi un regard renouvelé empreint de possibilités.

Andréa Spartà modèle des environnements à partir de fragments soigneusement recueillis de la réalité. Il choisit des objets modestes - prises électriques, draps de maison, affiches de petites annonces trouvées dans la rue, etc. - qui l'ont interpellé lors de rencontres fortuites, sans raison apparente, si ce n'est peut-être une forme d’empathie à leur égard. L'essence de l'artefact, pour lui, ne réside pas dans la dimension normative imposée par une fonction utilitaire, mais plutôt comme une masse autonome existant librement dans le monde, dotée de ses propres singularités physique, incarnant quelque chose de presque plus réel encore. À partir de ces trouvailles, il tisse des représentations mentales en manipulant diverses trames visuelles et poétiques. Tout d'abord, se dévoile la mise en espace d'objets identiques en quantités anormales, disposés sans logique apparente. L'accumulation de petites figurines souriantes, les bras étendus, représentant l'Epouvantail, crée un jeu tautologique troublant, capable de déstabiliser notre compréhension. Cette étrangeté se répète également au plafond, avec une profusion inhabituelle de détecteurs de fumée suspendus. Les clignotements lumineux incessants, générés par ces machines de manière indépendante, forment une étrange constellation asynchrone. Parallèlement, Andréa conçoit diverses installations à partir du matériau domestique déjà présent sur le site des Limbes, telles que des caisses de draps, une ramette de papier et une plante verte. Ces gestes artistiques, à l'origine discrets et presque insignifiants dans leur agencement 

et leurs formes, se dévoilent progressivement à un ensemble de domaines exploratoires particulièrement dynamiques à mesure que le regard perdure.

La démarche d’Andréa Spartà consiste finalement à réaliser un léger pli dans l'espace du réel, influençant à la fois l'objet détourné et notre position en tant que spectateur, afin de conférer une autre présence aux choses. La simplicité domestique qui émane de ses œuvres suscite un étrange sentiment de mélancolie, sans que l'on puisse toutefois identifier clairement sa source, une sensation similaire à celle que nous éprouvons après la lecture de la toute dernière page d'un roman ou lors d’un retour d'un voyage. Abordant une mimique trop excessive pour être totalement sincère, l'Épouvantail surgit à nouveau. Mais cette fois-ci, il est accompagné par les larmes diluviennes d’un fruit neurasthénique, engendré par l'entremise d'une intelligence artificielle et capturé ensuite dans un petit dessin scotché au mur à hauteur d'enfant. Ces figures semblent porter en elles cette mélancolie qui perturbe l'espace. Un jour, Andréa m'a confié ressentir une angoisse de la possession dans sa vie quotidienne, une anxiété étroitement liée à la lourde charge de responsabilité qu'il éprouve envers les objets qui l'entourent. L'utilisation et la séparation de ces objets lui semblent autant être un deuil qu'un soulagement.

Il me vient en tête le recueil Bras cassé (1973) de Michaux. Dans la souffrance causé par un accident, le poète fait l’expérience d'une autre manière d'être au monde, qu'il baptise son « être gauche » : « Celui qui est le gauche de moi, qui jamais de ma vie n’a été le premier, qui toujours vécu en repli, et à présent seul me reste, ce placide, je ne cessais de tourner autour, ne finissant pas de l’observer avec surprise, moi, frère de Moi »1. Je crois que l’Épouvantail puise son essence dans cette perspective similaire. C’est cette même curiosité qu’éprouve Andréa pour cet autre, étranger et pourtant sien.

1°Henri Michaux, Bras Cassé, Paris: Fata Morgana, 1973, p.17

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liza maignan

Les yeux troubles de la voltigeuse sans lendemain

“J’ai peur du temps”

à Andréa Sparta

le 20 avril 2023

à 11h40. 

 

Habituellement j’ai peur du temps, du grand temps. Celui des saisons qui passent, des étés sans pluie et des bientôt cheveux blancs sous ma frange. En ce moment, j’ai peur du temps, du petit temps qui glisse, qui se perd, qui s’échappe à chaque clignement de cils. J’ai peur de le laisser filer et de décevoir les personnes à qui je veux en donner, du temps. Je n’ai pas peur pour elles, mais j’ai peur de lire dans leurs yeux la déception qu’elles auraient envers moi. J’ai peur de perdre de la valeur, comme le cours de la bourse qui se casse la gueule, les statistiques qui dégringolent et moi avec. Andréa veut qu’on se casse la gueule ensemble. Il veut qu’on tombe et qu’on voit ensemble si la chute fait mal ou si l’un arrive à relever l’autre. J’accepte ce contrat tacite d’une confiance désabusée. En échange de mon temps, Andréa me donne le droit et l’espace de faire quelque chose qui sera peut-être nul, qui ne fonctionnera peut-être pas, mais c’est cela qu’il attend de moi. Alors que c’est généralement ce qu’on cherche désespérément à éviter, on cherche à se persuader que ça sera un réussite et qu’on n’est pas en train de prendre un risque, de perdre du temps. Mais qu’est-ce qu’on risque ici ? Pas grand-chose pour être honnête. A part s’auto-décevoir de donner trop d'importance au désintéressement ou au mépris des autres envers nous-même. Andréa s'intéresse déjà à ce qui ne nous intéresse pas, à ce qui n’a plus de valeur, à ce qui traîne, à ce qui ne sert (plus) à rien. 

 

Mon ami Raphaël est fasciné par toutes ces merdouilles lumineuses et bruyantes que des vendeurs à la sauvette nous proposent dès qu’on boit des coups en terrasse. Il en achète souvent - dès qu’il est un peu ivre - et il les offre à sa copine. J’ai toujours été curieuse de découvrir cette collection de trucs aussi agaçants qu’attirants, qui ne marchent certainement déjà plus. Je me demande, quel est le bénéfice de ce poisson-plastique-qui-beugle-

clignote-et-gigote, de ce micro-grésillant-mini-boule-à-facette-sans-fils-et-sans-but, de ces milles-mini-tours-eiffel accrochées autour d’une corde ou de ces bouquets de roses bientôt fanées. Je me demande, qui sont donc ces vils personnes qui se sont réveillées un matin en se disant : “Je vais faire un business louche, de ventes de petits machins qui gonflent, qui sautent, qui volent, qui illuminent les parvis de nos capitales, qui arnaquent le tourisme de masse et qui précarise des sans-papiers.”, qui tirent les fils de ces colporteurs du divertissement qu’on rejette à coups de non-merci méprisants, parfois même sans un regard, et qui alimentent la parade nuptiale déceptive du capitalisme qui tourne en rond.

 

Récemment, j’ai pleuré dans un karaoké. Cette tentative d'un divertissement sans faille me rendait triste. Mes états d’âmes oscillaient entre la pression d’une injonction au bonheur et un profond malaise intérieur inavouable. Mes larmes étaient bloquées sous mes pommettes et mon sourire essayait d’atteindre mes oreilles, pour qu’elles ne débordent pas. Pas ici. Pas maintenant. Pas quand je dois rire en chanson alors que ma vision se trouble de larmes en larmes. Le grand spectacle de la tristesse sur place public. En pleurant sous les stroboscopes, je me demandais comment est-ce que les poissons nous voient, depuis la barrière translucide de l’eau chlorée de leur aquarium, qui nous divertissent dans ce restaurant Thaïlandais. Ils perçoivent certainement les contours flous de nos visages qui les regardent. Mais leur vision était-elle floutée par l’eau, comme la mienne quand je pleure dans un karaoké ou quand je regarde les oiseaux voltiger, les yeux ouverts depuis le fond d’une piscine ? J’ai toujours détesté cette sensation de devoir maintenir la tristesse à l’intérieur de soi-même pour se protéger des qu’est ce qu’il s’passe ? C’est vertigineux de contraindre son corps aux saisissement des énergies extérieures inattendues. Comme lorsqu’un escalator ne fonctionne pas et que ces grosses marches métalliques striées, qui nous hissent habituellement entre deux seuils, se figent. Elles deviennent étrangères à la mémoire de mon corps, qui bégaie de cette nouvelle situation entre elles et lui et me plonge dans le vertige de l’immobilité. 

 

J’ai quitté le karaoké. 

J’ai réussi à monter les marches de l'escalator.

Sans pleurer. 

 

Je suis arrivée à la gare, je suis montée dans le train, je me suis assise au bon n° de siège, dans le bon n° voiture, dans le bon n° de train. Derrière moi, un Gris du Gabon est enfermé dans sa cage métallique. C’est la première fois en trente deux ans que je croise un perroquet dans un train. Je me demande ce qu’il se passerait si l’oiseau s'échappait, je pense à Andréa qui volerait sans doute l’avis de recherche. Je me dis que le hasard fait bien les choses. L’oiseau, il dit “coucou”, il dit “bonjour”, il rigole et roucoule. Ses bruits ressemblent aux sonneries de nos téléphones. Dès qu’il roucoule, je sens autour de moi la réaction des gens qui regardent s'ils ont reçu une nouvelle notification. La femme a côté est sur-excitée, elle dit qu’elle veut le même maintenant (le train n’a même pas démarré). Mais qu’est-ce qui fascine cette femme dans le fait qu’un oiseau soit capable de mimer l’humanité et les bruits de sa technologie ? J’essaie de regarder l’oiseau entre les deux sièges, comme les enfants qui essaient d’attraper ton sourire pour t’en offrir un et passer le temps. J’ai l’impression de regarder dans un angle mort. J’essaie de fermer un œil, puis de loucher pour mieux le regarder entre les sièges. Mais rien n’y fait, je n’ai que la perception de sa présence entre mes deux yeux. Le travail d’Andréa est à regarder comme on regarde dans un angle mort. Il suggère ce qu’on ne voit pas, ce qu’on a pas vu arriver. Mais qui est là désormais. Andréa agence des situations depuis le champ du banal, pour faire naître des présences, qui ne nous avaient jamais manqué auparavant. Comme une histoire d’amour que nous n’avons même pas eu le temps d’imaginer. Ses gestes constituent les chaînons manquants entre notre inattention et l’immanquable. Ses intentions sont aussi muettes qu’un regard partagé, que la parole des yeux d’un·e inconnu·e, à travers lesquelles on entend la peur, la compassion, la joie, ou la complicité silencieuse.

Écrit à l'occasion de l'exposition personnelle A Knife In The Sun au Atelier White Cubi, 2023

interview with francesca brugola

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              Francesca Brugola / Pouvez-vous nous parler de votre démarche ?

Andréa Spartà / Je travaille généralement en utilisant des choses qui me percutent sans raison apparente, un morceau de plastique bleu autour dʼune pêche, un tuyau dʼarrosage, une vase antique, le menu délavé dʼun traiteur chinois par exemple. Parfois, le choix nʼest pas physique, mais plutôt de lʼordre de lʼimage. Je ne sais pas exactement ce qui génère le choix, mais il a souvent à voir avec une certaine domesticité. De ces choses, de ces images, je tente de garder une sorte de trame, que ce soit par lʼobjet ou lʼimage utilisé.e à lʼorigine. Jʼessaye alors de faire glisser ces trames, de les hybrider, de les croiser, de biaiser leurs familiarités tout en en conservant suffisamment pour convoquer une image mentale commune à tous.

              F.B / D'où vient votre intérêt pour les objets du quotidien ? Et comment votre intérêt personnel et votre fascination pour les objets et les gestes "normaux" et quotidiens deviennent- ils un acte ou une position politique ?

 

A.S / Jʼai toujours été intéressé par des notions de domesticité, je voulais être designer quand jʼétais enfant, lʼespace de vie mʼintéresse. Je me suis dʼabord attaché au mobilier, comme structure, ou support de notre vie privée. Au fur et à mesure, je me suis intéressé aux choses qui nous entourent, simplement parce quʼelles étaient là et que moi aussi. Jʼai trouvé ça plus interessant d'aborder les choses autour de moi simplement par ce prisme, plutôt que pour des considérations intellectuelles. Une pièce a été fondatrice dans ma pratique, Couvertures (2018-...). Cʼest un inventaire en cours des couvertures utilisées par les soldats des différentes armées du monde. Jʼai commencé à cette période à me rendre compte que des choses se passaient, que des frontières bougeaient, que des drames éclataient, mais que peut-être, un léger courant dʼair affectait le sommeil dʼun soldat comme il affecterait le miens, quʼil y avait une grande intimité et banalité aussi la-dedans. Les couvertures ne racontaient pas ça, elles en étaient simplement des témoins. Il y a une phrase dʼAgnes Martin qui résume bien ça : « Le tortillement dʼun ver de terre a autant dʼimportance que lʼassassinat dʼun président». Cʼest très vrai, je crois.

             

              F.B / Comment pensez-vous que votre recherche s'inscrit dans le discours artistique et socio-politique contemporain ?

 

A.S / Cʼest un peu enfoncer une porte ouverte aujourdʼhui, mais cette dimension intime et domestique est souvent considérée comme un lieu de résistance au capitalisme et à l’idée de rentabilisation productive. Je suis contre lʼidée de but. Je pense quʼil nʼy a aucune raison à ce que quoi que ce soit existe, nous existons sans raison, nous sommes là juste parce que nous sommes là, sans raison de plus quʼun oignon, ou un coléoptère. Aborder les choses sous cet angle est contre-productif, ce qui est interessant, je pense, dans le monde dʼaujourdʼhui. Jʼaime lʼidée que nous sommes là « à pure perte». Je concentre tous mes efforts pour 

que mon travail le soit aussi, quʼil ne soit pas symbolique, quʼil ne raconte pas quelque chose, quʼil ne soit pas le support à quelque chose, mais quʼil soit plutôt une fin en soi. Il y a quelque chose de magnifique dans un poireau tombé par terre dans un magasin si lʼon accepte que lʼon est, au même titre que lui, une simple masse dans lʼespace à un moment donné, à un endroit donné.

 

              F.B / La récupération d'objets est une partie importante de votre travail. Cela a-t-il toujours été le cas ou yʼa-tʼil eu un évènement déclencheur ? Comment cela affecte votre pratique ?

 

A.S / Il y a cette notion de témoin qui me plait beaucoup dans les choses qui nous entourent, je nʼessaye pas de faire dire quoique ce sois aux choses que je mobilise, mais plutôt dʼêtre sensible à ce quʼelles sont. Jʼai toujours collecté de la matière, quʼelle sois palpable ou plutôt de lʼordre de lʼimage. Dʼailleurs, cʼétait vraiment principalement de lʼordre de lʼimage pendant longtemps, jʼutilisais des motifs pris dans la rue, des choses vues. Jʼhybridais ensuite les souvenirs de ces choses différentes. Jʼaime faire des gestes les plus simples possible, cʼest donc naturellement que jʼai commencé à utiliser les choses en elles-memes.

 

              F.B / Comment le fait que vous utilisiez des objets de récupération vous fait-il aborder votre travail ? Cela, crée-t-il une distance entre vous et les pièces ?

 

A.S / Jʼessaie, avec les choses que je collecte, de provoquer des images mentales. Pour ce faire, je dois éviter les métaphores comme les premiers degrés. Il faut se situer sur un point dʼéquilibre, pour réussir à faire advenir une image, aussi fragile, soit-elle. Ça demande nécessairement un apprentissage et une écoute envers les choses mobilisées. Et cʼest très épanouissant de travailler comme ça, de se mettre devant un filet dʼail ou des petits liens en plastique et de voir où est-ce qu'ils peuvent nous emmener autant que lʼinverse. La distance qui se met en place est semblable, je crois à celle que lʼon a avec un chat

croisé dans la rue, un pas en avant, un pas en arrière pour ne pas brusquer lʼéchange.

 

              F.B / Comment l'organique et l'inorganique coexistent-ils dans vos sculptures ?

 

A.S / Jʼutilise régulièrement des herbes ou des fruits et légumes dans mes installations en regard de matériaux plus stables. Ce mélange me permet dʼobtenir des installations dont la structure est fixe, mais dans laquelle la matière évolue en permanence, que ce soit parce que les éléments pourrissent et se flétrissent ou parce quʼils sont simplement changés. Dans Weather Report par exemple, je dépose simplement environ 10 % de mes courses dans lʼinstallation et je les échange quand je veux les manger. Lʼinstallation se teinte directement de mon rythme de vie.

 

              F.B / Qu'est-ce que la recherche artistique pour vous ? Comment la théorie et la pratique se rencontrent-elles ? Si une rencontre a lieu entre les deux.

 

A.S / Jʼessaye de toujours faire suivre la théorie à la pratique et non lʼinverse. Cʼest lié à cette notion dʼapprentissage dont je parlais plus haut. Je ne veux surtout pas savoir trop précisément où je vais pour ne pas perdre lʼécoute de ce quʼil se passe. Les mots pour moi ne doivent quʼêtre un commentaire, mais pas une légitimation dʼune chose, car ils uniformisent et lissent tout. Jean Daniel Botta donne une définition intéressante de la poésie : « On donne des noms un peu moins précis, pour que les choses nommées reprennent leur liberté ». Je crois que lʼart a beaucoup à voir avec ça.

Entretien réalisé à l’occasion de l’exposition Weather Report pour le magazine BalloonProject.

florian gaîté

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FR

Andréa Spartà is a "passeur" of forms. He draws his attention to forms which, blended in the immediate landscape, are also paradoxically withdrawn from ordinary visibility. He then recreates the minimum conditions to make them happen without trying to invent them, nor to dominate their fate. This formalist way of thinking goes hand in hand with acute attention to the environment, to its layout and to the relationships that man cultivates with it. The artist conjures elements who maintain a relationship of "good company", or sympathy, in order to better respect their respective integrity, even if it occurs accidentally. Spartà always reveals what it is to give birth to a singular form, to be in its righteous place or to give an image to thought. 

Andréa Spartà est un passeur de formes. Il porte son attention sur celles qui, fondues dans le paysage immédiat (un contour dans l’ombre, un brin d’herbe dans un pré...), sont aussi paradoxalement soustraites à la visibilité ordinaire. Il s’agit alors pour lui de recréer les conditions minimales pour les faire advenir sans chercher à les inventer, ni à en dominer les destins. Cette pensée formaliste va de pair avec une attention aigüe portée à l’environnement, à son agencement propre et aux relations que l’homme entretient à son égard. Andréa Spartà orga-nise en effet la rencontre entre des éléments qui entretiennent un rapport de « bonne compagnie », ou de sympathie, pour mieux en respecter les intégrités respectives, quand bien même celle-ci se donnerait sur le mode de l’accidentel. Qu’il emprunte la forme de la fiction ou celle de la composition formelle, Andréa Spartà tente toujours in fine de montrer ce que c’est que faire naître une forme propre, qu’être à sa juste place ou que donner une image à la pensée. 
 

francesca brugola

IT

La residenza a la Cittadellarte – Fondazione Pistoletto, Biella – parte del programma di residenze artistiche Nouveau Grand Tour proposto dall’Institut Français – si è conclusa il 30 Novembre, dopo un’esposizione della durata di una settimana. Qui Andréa Spartà, 1996, uno deɜ artistɜ selezionatɜ per il primo ciclo di questo programma, presenta come risultato del periodo di ricerca, un progetto intitolato The Weather Report.

Lo spazio industriale è attraversato da cavi bianchi di alcune ciabatte multi presa, che l’artista ha reso parte attiva del suo lavoro, mettendole in dialogo con altri elementi. Queste unità diventano quindi piattaforme che occupano una posizione centrale, e dalle quali si sviluppano le dinamiche che sostengono il progetto di Spartà. Si vedono quattro ciabatte multi presa installate con scalogni, barchette di carta, pere, foglietti che riportano la scritta MEK POL CONTROLLO, strisce adesive cattura insetti.  Questa idea di microcosmo mutabile e con una data di scadenza viene confermata da ogni elemento dell’installazione.

The Weather Report nasce dall’osservazione di Biella. Sul tetto del santuario di Oropa si trova una piccola stazione meteorologica. Da qui si definisce l’idea di meteo, che verrà usata dall’artista come pretesto per parlare di imprevedibilità. Spartà lavora con cose che lo colpiscono senza un motivo apparente, come i foglietti che un riparatore di cancelli quotidianamente lascia in prossimità dei cancelli di tutta la città. Andrèa colleziona questi pezzi di carta, attraverso un’operazione rituale che lo porta fuori dal suo studio, ogni giorno, alla ricerca della stessa cosa – la stessa immagine. L’importanza di questa azione sta forse nella costanza e accettazione dell’imprevisto. Spartà non ha la certezza di trovare quei foglietti eppure li cerca, affidandosi ad una fiducia rassegnata, coltivando uno stupore cinico.

Scettico davanti all’idea di scopo, Spartà crede che non ci siano motivazioni alla base dell’esistenza. È per questo, che sembra coerente, vederlo avvicinarsi ad oggetti – come in questo caso – considerati normali o inutili nel contesto in cui sono inseriti. Anche la sua modalità di confronto con questi elementi  fa vacillare l’idea di status su vari livelli. Come prima cosa, soggetto ed oggetto si eguagliano, infatti l’Io-soggetto e Tu-oggetto sono entrambɜ lì, e soprattutto l’Io-soggetto non ha motivi più validi rispetto a quelli del Tu-oggetto per esserci. Anzi non ci sono motivi affatto, e questa prospettiva fa crollare la visione binaria che perpetua una rigida distinzione verticale tra Io e Tu.

L’approccio di Spartà, ancor di più mette in discussione il concetto di intenzione. Ci si potrebbe chiedere infatti come si inserisca l’intenzione umana – qui dell’artista – e che ruolo abbia in un processo che punta alla massima riduzione di ogni gesto. In questo caso, sembra che l’artista si posizioni oltre l’idea di scelta intenzionale, guarda piuttosto a ciò che condivide il suo stesso spazio-tempo e prende atto di questa esistenza. Se vi è un’intenzionalità sta nel resistere alle dinamiche che tendono ad irrigidire le forme e i ruoli. È qui che sembra che Spartà trovi uno stupore cinico, ovvero sfiduciato nei confronti delle motivazioni deɜ altrɜ. Il suo stupirsi viene da tutto ciò che non è grandioso, che è indifferente verso gli ideali e le convenzioni del contesto in cui esiste, che è poi lo stesso contesto che lo dimentica.

Ne risultano lavori sospesi tra il ready-made ed un’estetica decadente, in cui gli oggetti coinvolti non hanno la pretesa di diventare simbolo, ma sono e mantengono la propria identità.

Seppure in un’ottica anti-narrativa la pratica di Andréa Spartà vive di una dimensione poetica, che non prova a definire bensì ad emancipare. Si riscontra una coerenza estetica ben definita. Questa componente non mira però ad abbellire, piuttosto a bilanciare. La forza dei lavori di Spartà sta forse allora nell’affidarsi completamente agli oggetti o alle immagini dai quali derivano, e alle loro eredità, rifiutando la metafora e l’interpretazione.

Non è chiaro come un cespo di catalogna che fino a poco prima era al mercato di paese abbia viaggiato in un sacchetto di plastica per trovare il suo posto a terra, accanto ad una luce gialla coperta da un’altra borsa di plastica. E come lo stesso venga poi raccolto e cucinato da Spartà per divenire il suo pasto. Ancora una volta, sembra aggiungersi uno strato di complessità, in un processo che chiede di rinunciare alla complicazione metaforico-intellettuale per riconoscersi come massa in uno spazio, in un dato momento, in un dato luogo, proprio come il cespo di catalogna. In quest’ottica, l’artista, chi osserva il lavoro o chiunque, si ridimensiona e si coglie per quello che è, niente di più o meno di un elemento instabile tra altri elementi instabili, siano questi persone, vegetali, fascette di plastica, un secchio, un tappetino da spiaggia, delle zanzariere elettriche.

Spartà sembra praticare l’accettazione di questa precarietà come costitutiva del proprio esser-ci e quello altrui da molto tempo, tanto che personale e professionale non si distinguono. Il lavoro di Andréa Spartà non vuole educare ad una visione, tantomeno fa sua la retorica della futuribilità altra e possibile. Piuttosto, rinuncia all’affanno di trovare ragioni e sovrastrutture intellettuali per giustificare l’esistenza di qualcosa che di per sé non necessita nessuna prova perché testimone della propria presenza-assenza e quelle altrui.

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