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andrea sparta a knife in the sun solo exhibition 

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a knife in the sun                2023

3 altered toys, hammered glass, plastic, screws, fishing lure, printed paper, hammered gold leaves on printed paper, plastic, rubber, electrical hardware, storage of the exhibition space - exhibition view at white cubi, dijon, france, photo ©anne eppler

Andréa Spartà exhibition view a knife in the sun 

andrea sparta a knife in the sun exhibition view
andrea sparta a knife in the sun exhibition view
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Liza Maignan

Les yeux troubles de la voltigeuse sans lendemain

“J’ai peur du temps”

à Andréa Sparta

le 20 avril 2023

à 11h40. 

 

Habituellement j’ai peur du temps, du grand temps. Celui des saisons qui passent, des étés sans pluie et des bientôt cheveux blancs sous ma frange. En ce moment, j’ai peur du temps, du petit temps qui glisse, qui se perd, qui s’échappe à chaque clignement de cils. J’ai peur de le laisser filer et de décevoir les personnes à qui je veux en donner, du temps. Je n’ai pas peur pour elles, mais j’ai peur de lire dans leurs yeux la déception qu’elles auraient envers moi. J’ai peur de perdre de la valeur, comme le cours de la bourse qui se casse la gueule, les statistiques qui dégringolent et moi avec. Andréa veut qu’on se casse la gueule ensemble. Il veut qu’on tombe et qu’on voit ensemble si la chute fait mal ou si l’un arrive à relever l’autre. J’accepte ce contrat tacite d’une confiance désabusée. En échange de mon temps, Andréa me donne le droit et l’espace de faire quelque chose qui sera peut-être nul, qui ne fonctionnera peut-être pas, mais c’est cela qu’il attend de moi. Alors que c’est généralement ce qu’on cherche désespérément à éviter, on cherche à se persuader que ça sera un réussite et qu’on n’est pas en train de prendre un risque, de perdre du temps. Mais qu’est-ce qu’on risque ici ? Pas grand-chose pour être honnête. A part s’auto-décevoir de donner trop d'importance au désintéressement ou au mépris des autres envers nous-même. Andréa s'intéresse déjà à ce qui ne nous intéresse pas, à ce qui n’a plus de valeur, à ce qui traîne, à ce qui ne sert (plus) à rien. 

 

Mon ami Raphaël est fasciné par toutes ces merdouilles lumineuses et bruyantes que des vendeurs à la sauvette nous proposent dès qu’on boit des coups en terrasse. Il en achète souvent - dès qu’il est un peu ivre - et il les offre à sa copine. J’ai toujours été curieuse de découvrir cette collection de trucs aussi agaçants qu’attirants, qui ne marchent certainement déjà plus. Je me demande, quel est le bénéfice de ce poisson-plastique-qui-beugle-

clignote-et-gigote, de ce micro-grésillant-mini-boule-à-facette-sans-fils-et-sans-but, de ces milles-mini-tours-eiffel accrochées autour d’une corde ou de ces bouquets de roses bientôt fanées. Je me demande, qui sont donc ces vils personnes qui se sont réveillées un matin en se disant : “Je vais faire un business louche, de ventes de petits machins qui gonflent, qui sautent, qui volent, qui illuminent les parvis de nos capitales, qui arnaquent le tourisme de masse et qui précarise des sans-papiers.”, qui tirent les fils de ces colporteurs du divertissement qu’on rejette à coups de non-merci méprisants, parfois même sans un regard, et qui alimentent la parade nuptiale déceptive du capitalisme qui tourne en rond.

 

Récemment, j’ai pleuré dans un karaoké. Cette tentative d'un divertissement sans faille me rendait triste. Mes états d’âmes oscillaient entre la pression d’une injonction au bonheur et un profond malaise intérieur inavouable. Mes larmes étaient bloquées sous mes pommettes et mon sourire essayait d’atteindre mes oreilles, pour qu’elles ne débordent pas. Pas ici. Pas maintenant. Pas quand je dois rire en chanson alors que ma vision se trouble de larmes en larmes. Le grand spectacle de la tristesse sur place public. En pleurant sous les stroboscopes, je me demandais comment est-ce que les poissons nous voient, depuis la barrière translucide de l’eau chlorée de leur aquarium, qui nous divertissent dans ce restaurant Thaïlandais. Ils perçoivent certainement les contours flous de nos visages qui les regardent. Mais leur vision était-elle floutée par l’eau, comme la mienne quand je pleure dans un karaoké ou quand je regarde les oiseaux voltiger, les yeux ouverts depuis le fond d’une piscine ? J’ai toujours détesté cette sensation de devoir maintenir la tristesse à l’intérieur de soi-même pour se protéger des qu’est ce qu’il s’passe ? C’est vertigineux de contraindre son corps aux saisissement des énergies extérieures inattendues. Comme lorsqu’un escalator ne fonctionne pas et que ces grosses marches métalliques striées, qui nous hissent habituellement entre deux seuils, se figent. Elles deviennent étrangères à la mémoire de mon corps, qui bégaie de cette nouvelle situation entre elles et lui et me plonge dans le vertige de l’immobilité. 

 

J’ai quitté le karaoké. 

J’ai réussi à monter les marches de l'escalator.

Sans pleurer. 

 

Je suis arrivée à la gare, je suis montée dans le train, je me suis assise au bon n° de siège, dans le bon n° voiture, dans le bon n° de train. Derrière moi, un Gris du Gabon est enfermé dans sa cage métallique. C’est la première fois en trente deux ans que je croise un perroquet dans un train. Je me demande ce qu’il se passerait si l’oiseau s'échappait, je pense à Andréa qui volerait sans doute l’avis de recherche. Je me dis que le hasard fait bien les choses. L’oiseau, il dit “coucou”, il dit “bonjour”, il rigole et roucoule. Ses bruits ressemblent aux sonneries de nos téléphones. Dès qu’il roucoule, je sens autour de moi la réaction des gens qui regardent s'ils ont reçu une nouvelle notification. La femme a côté est sur-excitée, elle dit qu’elle veut le même maintenant (le train n’a même pas démarré). Mais qu’est-ce qui fascine cette femme dans le fait qu’un oiseau soit capable de mimer l’humanité et les bruits de sa technologie ? J’essaie de regarder l’oiseau entre les deux sièges, comme les enfants qui essaient d’attraper ton sourire pour t’en offrir un et passer le temps. J’ai l’impression de regarder dans un angle mort. J’essaie de fermer un œil, puis de loucher pour mieux le regarder entre les sièges. Mais rien n’y fait, je n’ai que la perception de sa présence entre mes deux yeux. Le travail d’Andréa est à regarder comme on regarde dans un angle mort. Il suggère ce qu’on ne voit pas, ce qu’on a pas vu arriver. Mais qui est là désormais. Andréa agence des situations depuis le champ du banal, pour faire naître des présences, qui ne nous avaient jamais manqué auparavant. Comme une histoire d’amour que nous n’avons même pas eu le temps d’imaginer. Ses gestes constituent les chaînons manquants entre notre inattention et l’immanquable. Ses intentions sont aussi muettes qu’un regard partagé, que la parole des yeux d’un·e inconnu·e, à travers lesquelles on entend la peur, la compassion, la joie, ou la complicité silencieuse.

Andrea Sparta is an artist living in Paris, France  lives and works in Paris. He graduated from the École Nationale Supérieure d’Art de Dijon in 2019. His sculptural and instal- lation work is inspired by domestic objects, which he stages by taking them out of their everyday context. In 2021, he has been a resident at the Cité Internationale des Arts in Paris, and the following year, he participated in
a residency at the Fondazione Pistoletto in Biella, Italy. Andréa Spartà's work has been exhibited in places such as the Kunsthalle in Bern, the Musée des Beaux-Ar- ts in Dole, and the Fondazione Zimei in Italy.

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