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EN entretien avec andréa spartà
FR interview with andréa spartà
FR longlife
EN longlife
FR la vie en pire
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FR my head all full of stuffing, my heart all full of pain
EN my head all full of stuffing, my heart all full of pain
FR les yeux troubles de la voltigeuse sans lendemain
EN the hazy eyes of the one-night acrobat
FR entretien avec andréa spartà
EN interview with andréa spartà
FR a prova di
IT a prova di
FR au sujet du travail d'andréa spartà
EN about andréa spartà's work
Écrit à l'occasion de l'exposition personnelle Longlife, Project room, Frac Île De France, 2024
Les installations discrètes d’Andréa Sparta réunissent des objets banals que chacun peut reconnaître et dont la noblesse se soustrait habituellement à notre regard. Le choix des éléments s’établit de manière non hiérarchique, soigneuse et attentive dans une relation à la domesticité, comme se composerait une nature morte. L’infra-ordinaire cher à Georges Perec devient palpable, presque mesurable : « Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ? ».
Longlife provient du nom de piles rechargeables utilisées pendant l’élaboration de l’installation. Le titre évoque la promesse d’une durée universelle dans un contexte plus général d’une obsolescence programmée du tout technologique. La vie, bonne ou mauvaise, facile ou difficile, remplie ou vide, joyeuse ou triste, ne serait donc désormais réductible qu’à sa longévité, sa durabilité?
L’espace est investi de manière minimale par des objets de récupération : des rallonges électriques, des multiprises, un routeur Wifi, une bouteille d’eau, des calendriers de 2024 ornés de rubans Bolduc argentés, un carton Amazon avec un plastique sous lequel on distingue des leurres de pêche, une phrase quasi invisible découpée dans une notice de médicaments qui prévient des effets secondaires « augmentation de l’écoulement des larmes », des stickers de serrurerie, des graines de millet, des pièges à fourmis.
Des cousins-matelas blancs qui sont disposés à même le sol définissent une zone de repos où somnolence et veille cohabitent dans une sorte de longue apnée. Les veilles lumineuses des multiprises, la lampe d’un hall d’immeuble allumée conjuguée à l’absence humaine nous indique une latence : un nous en alerte, un nous en consommateurs irréductibles, un nous à l’affut de l’information, un nous en mouvements permanents, un nous en état d’urgence qui finira par ne plus jamais dormir.
Cheminant parmi les cousins, des rallonges et des multiprises équipées de coupes-veille créent un parcours chargé en électricité. Ce champ magnétique qui nous relie à l’énergie et à la technologie vient troubler cet îlot du mi-repos et de la mi-veille. Alors que la dématérialisation touche tous les domaines, c’est par un décalage et un surplus de charge électrique que sont ici suggérées la fragilité et l’instabilité de notre possible détente. Un excédent de fils électriques enroulés, des branchements à l’excès qui se bouclent les uns aux autres complexifient et encombrent notre esprit d’un réseau que l’on se plait habituellement à dissimuler.
On a ôté les sources de lumières habituelles, ces fluos neutres au sein du White Cube qui créent l’illusion d’une lumière permanente et stable ou ces spots qui souligneraient tel ou tel objet. Les seules sources d’éclairage proviennent désormais de cette lampe de hall d’immeuble et des interrupteurs des multiprises. C’est donc essentiellement la lumière naturelle qui éclaire l’exposition, c’est elle qui au fil de la journée teinte de manière variable et atmosphérique l’exposition.
Lors de nos échanges, Andréa Spartà a évoqué le livre de Byung-Chul Han La société de la fatigue dans lequel l’auteur considère le sommeil et la fatigue comme les derniers refuges contre une injonction à la productivité et à la performance. Nous avons également parlé de l’état atmosphérique de notre esprit lors d’insomnies ou de phases de rêves éveillés, de migraines, : un état vaporeux qui fabrique un rapport particulier au réel, celui-là même dans lequel nous semblons plonger ici et maintenant.
Tout comme le bruant à gorge blanche, un oiseau dont la particularité est de voler plusieurs jours sans dormir que les scientifiques étudient en rêvant de façonner, dans un avenir proche, des soldats, des travailleurs et des consommateurs sans sommeil. Trois calendriers de l’année en cours ornés de bolducs argentés présentés aux murs sont comme des petits cadeaux venant célébrer de manière un peu insolente une étape de cette promise Longfife.