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Écrit à l'occasion de l'exposition personnelle Weather Report, à la Fondation Pistoletto, 2022 pour BalloonProject.

La résidence à la Cittadellarte - Fondation Pistoletto, Biella - faisant partie du programme de résidences artistiques Nouveau Grand Tour proposé par l'Institut Français, s'est achevée le 30 novembre après une exposition d'une semaine. Ici, Andréa Spartà, né en 1996, l'un des artistes sélectionnés pour le premier cycle de ce programme, présente comme résultat de sa période de recherche une exposition intitulée Weather Report.

L'espace industriel est traversé par des câbles blancs de certaines multiprises, que l'artiste a rendues actives dans son travail en les mettant en dialogue avec d'autres éléments. Ces unités deviennent ainsi des plateformes occupant une position centrale, à partir desquelles se développent les dynamiques soutenant le projet de Spartà. On peut voir quatre multiprises installées avec des échalotes, des bateaux en papier, des poires, des petits papiers portant l'inscription MEK POL CONTROLLO, des bandes adhésives attrape-insectes. Cette idée de microcosme changeant et à date d'expiration est confirmée par chaque élément de l'installation.

Weather Report est né de l'observation de Biella. Sur le toit du sanctuaire d'Oropa se trouve une petite station météorologique. C'est de là que naît l'idée de météo, que l'artiste utilise comme prétexte pour parler d'imprévisibilité. Spartà travaille avec des choses qui le frappent sans raison apparente, comme les petits papiers qu'un réparateur de portails laisse quotidiennement près des portails de toute la ville. Andréa collectionne ces morceaux de papier, à travers une opération rituelle qui le mène hors de son studio, chaque jour, à la recherche de la même chose - la même image. L'importance de cette action réside peut-être dans la constance et l'acceptation de l'imprévu. Spartà n'est pas sûr de trouver ces petits papiers et pourtant il les cherche, se fiant à une confiance résignée, cultivant un émerveillement cynique.

Sceptique devant l'idée de dessein, Spartà croit qu'il n'y a pas de motivations à l'existence. C'est pourquoi il semble cohérent de le voir s'approcher d'objets - comme dans ce cas-ci - considérés comme normaux ou inutiles dans le contexte où ils sont placés. Sa manière de se confronter à ces éléments remet en question l'idée de statut à plusieurs niveaux. Tout d'abord, sujet et objet s'équivalent, en effet le Moi-sujet et le Toi-objet sont tous deux là, et surtout le Moi-sujet n'a pas de motifs plus valides que ceux du Toi-objet pour être là. En fait, il n'y a pas de motifs du tout, et cette perspective fait s'effondrer la vision binaire qui perpétue une distinction verticale rigide entre Moi et Toi.

L'approche de Spartà remet encore plus en question le concept d'intention. On pourrait se demander en effet comment s'insère l'intention humaine - ici de l'artiste - et quel rôle elle joue dans un processus qui vise à réduire au maximum chaque geste. Dans ce cas, il semble que l'artiste se positionne au-delà de l'idée de choix intentionnel, regardant plutôt ce qui partage son propre espace-temps et prenant acte de cette existence. S'il y a intentionnalité, elle réside dans la résistance aux dynamiques qui tendent à rigidifier les formes et les rôles. C'est là que Spartà semble trouver un émerveillement cynique, désabusé quant aux motivations des autres. Son étonnement vient de tout ce qui n'est pas grandiose, qui est indifférent aux idéaux et aux conventions du contexte dans lequel il existe, qui est d'ailleurs le même contexte qui l'oublie.

Il en résulte des œuvres suspendues entre le ready-made et une esthétique décadente, dans lesquelles les objets impliqués n'ont pas la prétention de devenir un symbole, mais sont et conservent leur propre identité.

Bien que dans une optique anti-narrative, la pratique d'Andréa Spartà vit d'une dimension poétique qui ne cherche pas à définir mais à émanciper. On trouve une cohérence esthétique bien définie. Cependant, cet élément ne vise pas à embellir, mais plutôt à équilibrer. La force des œuvres de Spartà réside peut-être alors dans le fait de se fier entièrement aux objets ou aux images dont elles dérivent, et à leurs héritages, en refusant la métaphore et l'interprétation.

Il n'est pas clair comment un chou frisé qui était encore récemment sur le marché du village a voyagé dans un sac en plastique pour trouver sa place au sol, à côté d'une lumière jaune recouverte d'un autre sac en plastique. Et comment il est ensuite ramassé et cuisiné par Spartà pour devenir son repas. Une fois de plus, une couche de complexité semble s'ajouter, dans un processus qui demande de renoncer à la complication métaphorico-intellectuelle pour se reconnaître comme une masse dans un espace, à un moment donné, dans un endroit donné, exactement comme le chou frisé. Dans cette optique, l'artiste, l'observateur du travail ou quiconque se réduit et se perçoit pour ce qu'il est, rien de plus ou de moins qu'un élément instable parmi d'autres éléments instables, qu'il s'agisse de personnes, de végétaux, de liens en plastique, d'un seau, d'un tapis de plage, de moustiquaires électriques. 

 

Spartà semble pratiquer depuis longtemps l'acceptation de cette précarité comme constitutive de son propre être et de celui des autres, au point que le personnel et le professionnel ne se distinguent pas. Le travail d'Andréa Spartà ne vise pas à enseigner une vision, et encore moins à adopter la rhétorique d'un futur alternatif et possible. Au contraire, il renonce à l'effort de trouver des raisons et des superstructures intellectuelles pour justifier l'existence de quelque chose qui, en soi, n'a besoin d'aucune preuve car il est témoin de sa propre présence-absence et de celle des autres.

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